mercredi 30 décembre 2009

Elle attendait que mon regard croisât le sien. "Vous lisez Georges Bataille !" Nous sommes trois dans le compartiment entre Nevers et Paris : elle, l'homme qui l'accompagne et moi, qui tient entre les mains une réimpression récente de L'Érotisme. Impossible de nier: oui je lis ce pervers débauché, auquel Sartre avait recommandé une psychanalyse.

Elle me fait face, elle doit avoir entre 55 et 60 ans. C'était il y a quinze ans. "Je l'ai bien connu à Orléans, je travaillais avec lui à la bibliothèque. Je savais qu'il était un peu célèbre. Mais il ne voulait pas me parler de ses livres, il disait qu'ils n'étaient pas pour une jeune fille comme moi."

Et elle n'a jamais transgressé l'interdit ? Jamais goûté au plaisir particulier du sacrilège tel que le définit Bataille ? Celui que je suppose son mari se croit obligé d'ajouter: "Il s'agit d'érotisme, pas de pornographie." Ben oui, c'est sûr mon vieux.



La grande prêtresse de l'orgone, elle, a bien saisi que l'érotisme est perversité. La transgression n'abolit pas l'interdit, et si la jouissance qu'elle procure balaie le sommaire des relations conventionnelles, elle révèle aussi l'éphémère de la vie.

Et pendant que sa pisse coule sur mon visage, pendant que le goût qu'elle donne à mon existence prend une saveur toute particulière, j'entrevois à mon tour l'expérience ultime de la rencontre avec la vraie femme, celle qui ne se contente pas de rester en vie. J'entrevois à mon tour, le bleu du ciel.



16 commentaires:

  1. Ah l'érotisme est perversité?
    Et la pornographie est érotique?
    J'avoue être perdue, moi qui vis les instants, sans me poser ce genre de questions j'avoue que d'un coup, je me demande.
    Et cette vidéo...Je ne sais pas...Je ne pense pas avoir compris, pourtant je rêve...
    Bises
    Anis

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  2. ça me dégoûte et ça me plaît.

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  3. A la lecture du post ce poëme m'est revenu, et goog.. m'a aidé a en retrouver les paroles ..
    Je ne sais ... si cela ne rime pas avec votre texte:

    C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!
    Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
    Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
    Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

    [ . . . ]

    Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
    N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
    Le canevas banal de nos piteux destins,
    C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.

    ~ Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

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  4. Siouplaît,

    En quelle langue le titre est-il rédigé , et que
    signifie-t-il ? Parce qu'apparament, ce n'est pas du turc.

    Signé : Le Hutin levantin .

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  5. Tu me donnes très envie de connaitre G. Bataille !
    Et cette vidéo... l'œil...brrrrrrrrrh ! Ça me rappelle une scène d'un film de Bunuel (soit l'Age d'or, soit un chien andalou ?).

    Et toi aussi, tu ne te contentes pas de "rester en vie"...!
    Quant à la grande prêtresse de l'orgone, elle a de quoi être inspirée, non ?!

    Bises de papillon

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  6. décidement à lire les blogs ( heu certains ) je rougis ... ben oui de voir des gens amoureux ça me rend tout timide.

    bonne année 2010 ...

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  7. @ Douces tentations
    Pas toujours. C'est vrai que l'érotisme est aussi souvent ludique et même parfois primesautier ... Heureusement. Bises :o)

    @ duel
    je crois que c'est le principe

    @ X-Addict
    Très beau ce texte. Mais Baudelaire avait en tête les textes (fascinants) de Sade. Et puis, soyons clairs, je me (re)connais des limites, et je ne préconise certainement pas l'horreur. C'est d'ailleurs, il me semble, une grande différence entre Bataille et Sade : là où le premier se démène avec le sacré, mais en respectant l'autre (pour parler clair, il s'agit de jeux entre "adultes consentants"), le second (Sade), fait fi du sacré comme de l'autre dans la démesure implacable de son égo.

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  8. @ Le Hutin levantin
    Certes.

    @ VéroPapillon
    C'est Un Chien Andalou. Et Bataille y fait explicitement référence à plusieurs reprises. Tu es trop forte toi ! Marrant, ça ne m'étonne pas.

    Et oui je confirme, la grande prêtresse de l'orgone est aussi une grande inspiratrice :o)

    @ Ambre
    heureux que cela produise cet effet :o)

    @ Waid
    toi tu rougis ? :o)
    bonne année à toi aussi

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  9. Ce billet me réjouit ! J'ai pris grand plaisir à la découvrir.

    Je suis d'accord en effet pour dire que les oeuvres de Bataille et de Sade ne relèvent ni du même registre, ni de la même intention. Les mots qui suivent sont de Bataille : "Sade a prêté sa voix solitaire à la violence qui jamais ne dit qu'elle existe ; il a fait entrer dans la conscience ce qui révoltait la conscience. Il a mené, à rebours de son procès, celui des hommes et celui de Dieu".

    Ces commentaires de Bataille sur Sade (parmi les plus éclairants avec ceux de Barthes) permettent d'entrevoir à mon avis la différence entre les deux oeuvres.

    Quant à l'histoire de l'oeil, c'est un livre qui permet de regarder autrement les couilles de taureau et les églises de Séville.

    Je suis inutilement prolixe et verbeux sur ces sujets. Merci pour ce billet intéressant et plaisant !

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  10. Pour une première visite je dirai que ton blog est intéressant je reviendrai souvent.merci pour le passage dans le mien.

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  11. Je n'avais pas lu ce poême avec l'éclairage de Sade, j'en accepte la relecture. :)

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  12. @ 502
    Je n'avais pas lu l'histoire de l'oeil sous cet angle, mais maintenant que tu le dis... :)

    @ Emma R
    Bienvenue Emma et merci. Je retournerai aussi régulièrement chez vous.

    @ X-Addict
    c'est une option parmi d'autres, :)

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  13. en train de lire l'histoire de l'oeil , de georges bataille , envie de te faire un clin d'oeil

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  14. G Bataille voulait faire éclater les lignes qui étaient tracées par la pensée de la société, et qui définissaient le bien et le mal en dresant les tabous et interdits de référence. Son désir de transgression l'a amené à des réflexions assez poussées voire extrêmes et il chercha à atteindre volontairement des limites que je n'oserai jamais franchir. mais quel apport pour l'esprit que de le lire. J'ai commencé "le bleu du ciel" jamais encore fini, c'est quand même dur.
    baisers à vous.

    je vous souhaite une belle année 2010 remplie de joies et de belles émotions.

    Armandie

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  15. @ waid
    ;-) tu diras quand même ce que tu en penses !

    @ armandie
    hello belle îlienne, heureux de vous voir de retour... oui, c'est dur, mais j'aime bien votre lecture Baisers

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