À bas le sommaire, vive l'éphémère - Bazhad evit bazhad

C'était une très mauvaise idée ce dîner dans une des meilleures auberges campagnardes d'Émilie-Romagne. Malgré le vin et la convivialité du lieu, il est vite devenu clair que ces fabricants sud-africains, tous blancs, et leurs éventuels clients polonais - tous blancs aussi - n'avaient rien à se dire. Ni sur le plan professionnel, ni sur aucun plan.

Et puis, quels rustres ces Polonais ! Passe encore qu'ils aient réclamé de la bière plutôt que du vin, de la vodka plutôt que de la grappa. Mais ils ont, pour la plupart, consacré tout le repas à se bourrer la gueule sans quasiment décrocher un mot. Je dois pourtant avouer que je me suis régalé en entendant la réplique cinglante à laquelle a eu droit cette grande bourgeoise de Cape Town, qui expliquait, avec toute sa bonne conscience de nantie, à quel point la vie était dure en Pologne au temps du communisme.

"- Vous vous rendez compte que l'on ne pouvait même pas voyager librement !
- Et dans ton pays, si on était noir, on ne pouvait même pas sortir le cul de son bidonville !"

Après je ne sais combien de bières, Jakub, ça lui est sorti du coeur. J'aime qu'on mette les pieds dans le plat sans prendre de gants (oui je sais qu'on aurait l'air idiot les pieds dans un plat et les mains dans des gants).

Bon, ça a fini de tuer l'ambiance. Mais je m'en fichais, parce que Kara m'expliquait tout sur la culture du bronzage en Afrique du Sud, en me regardant droit dans les yeux, la main négligemment posée sur ma cuisse. C'était juste passionnant.