vendredi 3 décembre 2010

C'est Condé Nast qui a lancé la carrière de Lee Miller. En 1926, l'éditeur du magazine Vogue arrête net sa voiture devant cette jeune femme qui marche dans une rue de Manhattan. En quelques mois, elle devient l'un des modèles les plus en vue de New York. Pourtant, jouer les sex-symbols sur papier glacé ne semble pas l'amuser beaucoup. Dès 1929, elle traverse l'Atlantique pour rencontrer Man Ray à Paris. Il ne veut pas d'élève. Elle devient son assistante, puis son amante et sa muse.

Je passe sur la suite, largement connue : la fréquentation des surréalistes, le retour à New York, les mariages avec Aziz Eloui Bey puis avec Lord Roland Penrose, les célèbres photographies de la Seconde Guerre Mondiale, le Blitz à Londres, la Libération en France, l'invasion de l'Allemagne, les camps de Dachau et Buchenwald. Je passe vite parce que la vie de Lee Miller ne m'intéresse pas beaucoup ce soir. Juste retenir de cette femme le souffle de liberté, l'attention aux autres et l'ouverture d'esprit qu'elle envagabonde. Et puis, elle est photographe. Et la photographie ça devient une grande affaire.

Pour tout vous dire la photographie est même ma principale préoccupation en ce moment. Pour vous la grande affaire du moment c'est peut-être Noël, la neige et le froid, ou le rhume qui vous pourrit la vie. C'est important aussi. Mais pour moi en ce moment c'est la photo. Dans une vie il y a des périodes comme ça, marquées par des thèmes forts : la photo un moment, la sexualité de groupe un autre , la masturbation un peu tout le temps, la liberté souvent, la politique parfois, l'amour, la philosophie, les macarons, la mer, les alizées. Il y a aussi des décisions, qui ont été prises et annoncées il y a longtemps, et on croyait que ça suffisait, que la mécanique de l'inéluctable s'enclencherait d'elle-même, mais non, et on n'a pas tenu assez fermement la barre, parce que c'est toujours comme ça on procrastrine plus ou moins jusqu'à l'urgence. Alors comme l'urgence est là, on ne rigole plus, même si on n'a jamais vraiment rigolé. On fait des photos et on se dit que la fin d'une époque intenable ouvre grand les portes d'une vie meilleure. On le sait. Mais on hésite toujours un peu avant de faire le premier pas dans le noir. La peur du vide sûrement. On fait des photos. Et puis on pend son élan et on balance un grand coup de pied dans la mécanique qui redémarre parce qu'elle a besoin de ça. Qu'on lui botte le cul. Alors on regarde les photos qu'on a faites.

© gaspard_des_nuits@yahoo.fr






11 commentaires:

  1. j'aime bien quand tu enlèves ton costume et que tu te laisses un peu approcher.

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  2. La vie a ses passages, à tous les sens du terme, je ne crois pas que personne y échappe...
    La photographie est un mode d'expression, qu'il soit témoignage ou indignation, manifestation d'une sensualité ou d'un désir, c'est toujours un besoin de communication et de partage, bienvenue au club ;)
    PS: jolie photo :)

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  3. Wow...
    Sans aller jusqu'à Trafalgar, y'aurait comme un coup de tabac dans l'éphémère, on dirait.
    Mais s'il en ressort de telles douceurs, c'est qu'il en vaut probablement la peine.

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  4. Bonjour Gaspard et merci pour ton passage, lequel conduit en écho mes pas sur tes traces. Premier contact avec ton " chez toi" qui me semble fort élégamment meublé ! Une plume affûtée que je découvre avec plaisir.

    Cette peur du vide récurrente qui nous hante tous plus ou moins consciemment nous permet de découvrir ou d'explorer certains aspects de notre personnalité et, en ce sens,c'est bien que la vie nous bouscule un peu.
    En tous les cas, ce premier aperçu me donne envie de revenir !

    Donc à très bientôt!

    Elise

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  5. petite française4 décembre 2010 à 19:23

    Si vous faites des photos dans le noir, mieux vaut utiliser le flash ! et là, tout s'éclaire !

    bon... ok je sors

    Ah j'oubliais, il y a quelques gourmandises savoureuses et autres food for thought dans ce billet, et je ne parle pas que des mots.

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  6. ... comme un arrière goût de mélancolie qui flotte à la surface après la lecture de ce billet...
    je t'embrasse

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  7. La fille du facteur windchill7 décembre 2010 à 17:26

    Bon...les mots sont importants mais non suivis d'actes, ils ne signifient en effet pas grand chose.
    Quant au vide...se lancer... : serre bien l'élastique aux pieds, pas de raison que tu t'écrases ! Et si la peur est trop forte, il faut redescendre l'échelle... J'ai déjà rebroussé chemin sur un plongeoir et j'en suis pas morte ! Mouai, l'eau et moi ça fait deux...
    Continue la photo, tu es doué !

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  8. faire des photos c'est aussi parfois par envie de fixer des images dont on a peur de perdre l'essence si on ne les conserve que dans le souvenir, pourtant les plus belles images sont celles dans nos esprits, à l'abri du regard des autres.

    Baisers
    Armandie

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  9. Ô combien de fois j'ai laissé l'appareil photo dans un tiroir... jusqu'au jour où la motivation est là. La motivation ça peut-être des belles jambes, un regard, une ville la nuit, un port, le mouvement... la vie en somme !
    Lee Miller avait des yeux à photographier et pour photographier. J'aime ces femmes inventives et qui osaient se lancer dans leur art précurseur.
    Vous avez un bien joli lieu que je découvre. Et merci pour le lien vers mes pages...
    Baisers bleus.

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  10. @ dita
    tu voudrais m'approcher tout nu ???? :))

    @ photaphil
    c'est un retour à d'anciennes amours... (éphémères ?)

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  11. @ Le Gabian
    Parfois un bon coup de vent dans les voiles permet de redonner du souffle.

    @ Elise
    Bienvenue et merci !

    @ petite française
    oui, de quoi rester béa pendant des heures... :)

    @ home
    moi aussi je t'embrasse fort, et encore plus même !

    @ La fille du facteur windchill
    (au passage, j'aurais deux mots à dire à ton père toi !!!)
    En fait, j'ai sauté depuis un moment... me reste plus qu'à atterrir au plus vite !

    @ armandie
    et toi les photos... ne cesse pas d'ailleurs, c'est un plaisir !

    @ Jill
    Merci, à bientôt alors :)

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