samedi 5 décembre 2009

Pas même 150 mètres depuis l'hôtel et j'entends déjà la sirène de leur Lada. Ce sont nos clients habituels. Le chauffeur arrête la Mercedes noire et sort dans la neige pour présenter, avec son permis, la liasse de billets qu'il tient à portée de main, sous le pare-soleil. Contrôle de routine, petit rituel entre proies et prédateurs. Depuis la fin du communisme, les formalités administratives sont devenues simplissimes en Russie : moins de trois minutes plus tard nous roulons de nouveau sur Krasnopresnenskaya naberezhnaya.

C'est à Moscou que j'ai croisé les plus authentiques gueules de mafieux. Dans des décors variant du classicisme aristocratique de palais du 19e siècle, au kitsch électrique de casinos-cabarets, tout en néons, miroirs et métaux teintés. Des gars trapus aux regards hargneux, devant un verre ou derrière une cigarette, toujours entourés de superbes poupées blondes, grandes et minces, souvent moins vêtues que dans les boîtes d'Ibiza. C'est toujours le même modèle de fille qui semble distribué automatiquement à ces mecs. Les brunes n'ont aucune perspective amoureuse dans la pègre russe. Et des scènes qui évoquent les débuts de Las Vegas, les règlements de comptes, les réunions de familles et les répartitions de territoires au Flamingo de Bugsy Siegel. Mais par moins 15°C dehors.

Et puis, il y a eu la soirée chez Petrovitch . Invités dans ce lieu bobo moscovite par un étonnant couple arménien, que les hasards de l'histoire ont fait citoyens de la République islamique d'Iran et anciens du lycée français de Téhéran. Au début j'ai cru à une blague. La bouteille de vodka que l'on boit au goulot en se tapant fort sur l'épaule, ça faisait un peu trop cliché. Je tentais de faire illusion en mouillant à peine les lèvres. La conversation passait naturellement du russe à l'anglais, de l'anglais à n'importe quoi, du français à l'italien, de l'italien à l'estonien, de l'estonien au suédois, du suédois à l'allemand. Aucun de nous ne devait comprendre la moitié de ce qui se disait et pourtant nous participions tous à une discussion aussi animée que futile.

Quand le restaurant s'est transformé en boîte de nuit, nous étions déjà tous sérieusement éméchés. Alors pas étonnant que Federica ait fini la soirée sur les genoux d'un Russe qu'elle embrassait avec fougue pendant qu'il lui ôtait un string qu'elle n'a jamais retrouvé, que Fabrizio et Anthony se soient laissés embobiner par deux gamines aguicheuses, que l'on n'ait plus eu de nouvelles d'Ann jusqu'au lendemain midi et que je me sois réveillé, sans trop savoir pourquoi, dans la chambre de Tuuli en paniquant parce que mon avion décollait dans trois heures.

Pourtant, je n'aime vraiment pas la vodka. Mais voilà, on sait bien que les filles la nuit sont plutôt vodka que camomille.

Image: © gaspard_des_nuits@yahoo.fr





9 commentaires:

  1. J'aime les Russes. Pas ceux qui gouvernent évidemment, non les Russes de la plèbe parce qu'ils sont chaleureux sous des dehors glaciaux. Leur amitié se gagne durement mais se perd rarement. Et puis leurs excès, leur nihilisme qui noie leurs chagrins, leurs bonheurs dans la vodka de luke ou à trois kopeks, j'aime aussi... Et j'aime la vodka, moi, je l'adore frappée, à déguster ou à engloutir cul sec en tapant le cul du verre sur la table. Il y a de la joie dans la vodka. Il y a de l'amer aussi dans la vodka. J'sais pas pourquoi la Russie a pour moi un tel attrait ? Mais peu importe, j'y serai bien retournée avec vous. La prochaine fois que vous avez besoin d'un porte-malette ...

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  2. et en plus comme la nuit tous les chats sont gris...

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  3. 1) j'ai noté une faute :
    "krasnopresnenskaya" il manque un "h"
    (ben non, je plaisante ;o)
    2)ça donnerait presque envie d'aller à Moscou...voire d'emprunter le trans-sibérien...pour découvrir ce peuple si chaleureux...
    (j'ai bien dit "presque"... quel dommage que la Russie n'est pas eu des colonies sous les tropiques... Serais bien allée voir des russes en Guyane ou en Polynésie... quoique à Cuba, doit bien y avoir des russes qui restent, non ??)
    3) j'adore quand tu racontes les contrées lointaines, ça me laisse rêveuse...
    Bises de papillon

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  4. oups... verbe être à la place d'avoir... désolée... ;o)

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  5. Il manque tout de même quelques informations sur Tuuli ! Que faut-il que nous en pensions ?

    Quant à la Russie, l'âme russe, le peuple russe, la foi russe et toutes ces vertus tant aimées par Dostoïevski... vous n'en avez pas vu une seule trace ???

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  6. Un beau voyage par les mots...
    Je suis blonde, pas russe !! et j'adore la Vodka...

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  7. @ gicerilla
    entièrement d'accord sur la chaleur du peuple russe, son sens de l'amitié, et sa générosité, derrière la dureté du pays il y a des liens forts entre les gens... euh, pour la vodka, en revanche, brute et frappée j'ai du mal, en revanche, en cocktail... je connais un bar à Bruxelles où l'on ne sert que de la vodka, de toutes les marques, sous toutes ses formes, ça vous plairait... je vous embarque pour la Russie quand vous voulez, si vous avez le pied marin ça peut être Saint-Petersbourg, départ de Stockholm ou Gdansk, et vous n'aurez pas de mallette à porter, juste les voiles à hisser

    @ home
    les chats n'étaient pas les seuls à être gris :)

    @ VéroPapillon (avec ou sans les fautes)
    à la grande époque de l'Empire russe puis de l'Union soviétique il y avait quand même les stations balnéaires de Crimée... je suis heureux que tu partages (presque) mon désir d'emprunter le transibérien... et puis une fois à Vladivostok rien ne nous empêche de faire route vers le sud !

    @ 502
    Tuuli était estonienne, enfin canadienne de père estonien et de mère grecque, ce n'est pas elle qui m'a fait découvrir l'âme russe, il y a eu d'autres voyages pour cela

    @ Titia
    bienvenue Titia, une blonde non russe qui aime la vodka... intéressant !

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  8. @ Gaspard : pour une bretonne, j'ai pas le pied marin, hélas, mais le pied macadam ! Mais si vous me fournissiez du Prinpéran en tonneaux et une bonne paire de gants pour que le chanvre ne brûle pas mes mains, alors vendu !

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  9. @ Gicerilla
    Une bretonne ? Tiens donc. Nous devrions trouver un terrain d'entente, pour les gants comme pour le risque de mal de mer. Pour le chanvre, il n'y en a plus beaucoup sur les bateaux de nos jours, sauf peut-être dans les cigarettes de l'équipage, et encore... :)

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